Pages vierges, en attente ; salles vides, en attente…
Pourquoi écrire des chansons en période de crise ?

© Le Bikini
C’est étrange.
Depuis mars, la culture au point mort – degré zéro.
Hier, la peur et l’incompréhension : 55 jours cloîtré.e.s dans nos intérieurs tandis que le printemps nous narguait au dehors.
Aujourd’hui, la colère et la désillusion : combien de jours encore ?
« Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone »
Entre juin et octobre : l’été – seul intermède à nos vies de confiné.e.s – où nous errions, malgré nous, en quête du bruit, de la foule et des vapeurs d’alcool – rattraper le retard, à tout prix, revenir à la vie ! – ; cherchant désespérément l’endroit où l’on pourrait danser, taper du pied, du poing, tourner, tanguer, virevolter, chanter jusqu’à la fin, jusqu’au lever du jour, les yeux cernés, les jambes lourdes, main dans la main, corps à corps, cœur à cœur… mais en vain. Devant nos rêves éveillés, les tristes devantures : bar fermé, salle fermée, concert annulé, festival reporté… comme un coup de massue ; comme un rappel à l’ordre : l’heure n’est plus à la fête. Alors, que reste-t-il ?
Une année blanche sans mesure, sans rythme, sans partition…
…une année noire, sans demi-mesure.
Face à face avec nos propres démons, nous voilà prisonniers du temps.
Les mains rêches ; la peau sèche ; le regard vitreux.
Combien de temps la nuit ?
Combien de temps encore l’obscurité ?
Pris au piège des pensées-tourbillons dans nos têtes trop remplies – ou trop vides ? – nous restons sur le bas-côté, cherchant désespérément à travers la fenêtre le moindre signe d’un horizon plus tendre, plus paisible, plus radieux…
Que faire en attendant ?
Certains profiteront de ce temps (libre ?) pour rattraper leur retard dans leurs lectures. Certains iront marcher, courir ou pédaler une heure par jour. Certains regarderont Netflix, Amazon Prime, OCS ou Canal + Séries pour s’évader un peu. Certains passeront le plus clair de leur temps dans leur jardin. Certains dormiront un peu plus que d’ordinaire. Certains autres, un peu moins. Certains prendront de vos nouvelles, régulièrement. Certains s’isoleront. Certains feront l’amour cinq fois par jour. Certains, non. Certains feront le tri dans leurs affaires, dans leurs pensées, dans leurs maisons. Certains joueront à la console, dans le salon. Certains boiront tout seul comme s’ils étaient deux. Certains arrêteront de fumer, pour compenser. Certains continueront de travailler. Certains mettront de l’argent de côté pour voyager. Certains sauveront des vies. Certains mourront. Certains continueront de rire. Certains écriront des chansons…
Depuis mars, la culture au point mort – degré zéro.
Musiciens en attente
Techniciens en attente
Intermittents en attente
Salariés en attente
Bénévoles en attente
Diffuseurs en attente
Programmateurs en attente
Spectateurs en attente
« De la musique avant toute chose »
disait Verlaine…
(et sans doute, avait-il raison !)
Alors, essayons, tant bien que mal, de profiter de ce vide pour reconstruire, inventer, innover.
N’ayons plus peur de rien.
Sentons-nous libre, au moins à l’intérieur.
Si le virus est un frein à la communion, écrivons des chansons pour célébrer demain.
Écrivons tous ensemble des couplets, des refrains ; tout ce qui vient à nous, notons-le quelque part, sur une feuille, un écran, un bout de table, qu’importe ! laissons enfin sortir les pensées, les motifs, les images qui grouillent dans nos têtes, en vrac ; amusons-nous avec les mots, avec les notes, avec les rythmes, avec les sons pour faire de tous nos maux de nouvelles chansons !
Qu’importe le rendu, qu’importe le ridicule et qu’importe l’ambition !
Soyons fier.e.s de nous.
« J’écrirai des chansons
Tant qu’il y aura du feu
Dedans la cheminée
Dedans les amoureux
J’écrirai des chansons
Tant que j’aurai la clé
Tant qu’il y aura des yeux
Pour regarder de près
J’écrirai des chansons
Mais je ne sais comment
Tant qu’il y aura des sons
Tant qu’il y aura du blanc
J’écrirai des chansons
Pour embrasser le vent
Pour embrasser ta main
Pour embrasser le temps
J’écrirai des chansons
Autant que je pourrais
Autant que tu voudras
Tant que tout sera vrai
J’écrirai des chansons
Et j’écrirai le feu
Brûlant la cheminée
Comme les amoureux »
Séraphin.
Ca fait du bien autant de douceur pour parler de quelque chose qui nous pèse… ❤️
Oh, merci beaucoup… !
C’est rassurant de voir que le manque de culture en affecte plus d’un car beaucoup minimisent l’impact de ce manque de pratique et d’expérience artistique. En les écoutant on a l’impression que notre souffrance n’est pas légitime et on se sent bien seul. Merci pour ces mots !
En effet, je crois que c’est important de parler de ça parce que la culture est un peu la grande délaissée de cette crise et le manque se fait bien ressentir… merci pour ta lecture et tes mots !