Pour ceux qui suivent le collectif, vous avez déjà dû entendre que Sapin, moi-même, est la libraire de l’équipe. De passion, de formation, et maintenant de métier — mais surtout de passion, on va pas se mentir. Mais alors être libraire, c’est quoi ? Ranger et vendre des livres, c’est tout ? Pas que ! Ce métier s’inscrit dans la famosa chaîne du livre ; ceux qui ont fait des études dans le domaine sentent sûrement leurs poils se hérisser face à cette terrible mention. Des noms de métiers en veux-tu, en voilà, et des chiffres, des pourcentages qui nous expliquent qui fait quoi, et qui gagne quoi sur la vente d’un ouvrage.
Bref, il y a beaucoup de métiers dans cette chaîne que je connais un peu, mais il me faudrait à peu près 15 pages Word pour les décrire. Je ne vais donc pas faire ça. Je vais plutôt vous parler de ma place dans ce tout ce fourbi : la librairie.
Pour faire simple, je vais vous faire une liste exhaustive de ce que nous faisons ou pourrions faire dans une journée. Je travaille dans une grande enseigne, alors ça va être spécifique à une librairie assez imposante, ce que je dis là ne s’appliquera absolument pas aux librairies plus familiales. Chez nous, chaque libraire a son rayon attitré, c’est à lui ou elle de le gérer entièrement, même si évidemment, à force d’aide et de conseils client, on connaît très bien le rayon des collègues. Petite spécificité d’une grande enseigne, justement, on ne fait pas de logistique : pas de cartons !
Tous les livres sont réceptionnés par notre bien-aimée et dévouée équipe log, triés par rayon et placés dans des caisses afin qu’on puisse faire tranquillement notre mise en rayon, sans trop nous casser le dos — si vous connaissez personnellement des libraires, vous saurez que l’espérance de vie de leur dos est d’à peu près 10 ans de métier, RIP. Du coup, ça nous donne déjà notre occupation principale : la mise en rayon ! Mais avant ça, il faut bien les commander, les livres. Logique, non ?
En termes de commandes en librairie — toutes —, il en existe deux types : l’office et le réassort. Comprenez : les nouveautés, et les livres de fonds. Chez nous, les nouveautés sont travaillées avec les représentants, c’est-à-dire des commerciaux de chaque diffuseur qui viennent en magasin afin de nous présenter les nouveautés des mois à venir — cela peut également se faire par téléphone pour les plus petites campagnes.
Ainsi, nous décidons ensemble des quantités à commander pour chaque référence, et gardons de fait un contrôle sur nos réceptions afin de présenter au mieux nos rayons aux clients. Dans un deuxième temps, il y a le réassort, parfois appelé journal des ventes ; comme son nom l’indique, ce sont des commandes passées chaque jour suite aux ventes du jour.
On peut choisir ou non de recommander un titre en se basant sur, en majorité, plusieurs indicateurs importants : la date de sortie, le nombre de ventes des dernières semaines — voire mois —, la saisonnalité — je ne vais par exemple pas systématiquement recommander un livre sur la cuisine au barbecue en plein mois de novembre, soyons logique —, et on peut également prendre en compte le nombre de références présentes en magasin sur ce même sujet — par exemple, je recommande à chaque vente ma référence phare sur l’aquaponie, puisque je sais que je n’ai que celui-ci qui traite de cette technique particulière. Passer des commandes fait partie de la surveillance constante de notre stock ; c’est là une des tâches principales du travail de libraire, en fin de compte.
Assez rapidement, je vais également parler des commandes plus spécifiques aux grandes enseignes : nous avons une centrale qui gère les envois massifs dans tous les magasins de France. Par exemple, la sortie d’un nouveau Musso ou d’un Werber va souvent être « pilotée », c’est-à-dire que notre centrale aura déjà négocié X titres pour chaque magasin. Au-delà de ça, nous avons ce que nous appelons des OP — opérations commerciales — qui sont mises en place par cette centrale.
Il s’agit là de mises en avant souvent saisonnières que tous les magasins auront en commun. Je pense par exemple au jardin en début de printemps, aux formats poche pendant l’été, à la romance à Noël, etc. mais il faut savoir que nous aurons, dans chaque rayon, en moyenne une grosse OP par mois. Encore une fois, comme ce sont des quantités que nous « ajoute » la centrale, il faut bien penser à intégrer ces mises en avant lorsque l’on fait notre POS — un plan de la librairie où chaque élément d’exposition, chez nous appelé sobrement les tables, est rappelé afin que chaque membre de l’équipe puisse savoir quelle table est occupée par quoi.
Attention cependant, rien ne nous empêche de nous faire plaisir ; l’an dernier, j’ai fait des mises en avant Popculture et Apprentissage Beaux-arts, juste parce que j’avais de la place, et une envie de mettre ces thèmes en avant. Ce sont avant tout nos rayons, et nos passions !
Je parle beaucoup de commandes, mais à un moment donné, il faut faire des retours si on ne veut pas que, comme on dit dans le métier, les rayons dégueulent — charmant, n’est-ce pas ? Pour ça, chaque librairie a ses outils pour l’aider. La connaissance de votre rayon reste pour moi le meilleur atout pour vous aider lors du « picking » — le fait de scanner les références.
Nous avons quand même une application gérée par la centrale qui nous aide dans nos choix, mais dans 95% des cas, c’est nous, les conseillers de vente, qui décidons de retourner ou non un titre à son fournisseur. Les retours s’effectuent tout au long de l’année, en continu, pour plusieurs raisons : trop de quantités commandées, pas assez de ventes après au moins 3 mois en rayon — sur de grosses quantités, et nous ne retournons jamais tous les exemplaires si tôt —, aucune vente au bout de 6 mois, ou encore un choix à faire par manque de place.
Ces mouvements permanents de stock font partie de ce qui est appelé le « roulement de stock », qui rejoint en réalité assez rapidement un roulement de la trésorerie elle-même. Sans rentrer dans d’horribles détails de comptabilité, un livre vendu dans un délai de 2 ou 3 mois — selon les négociations avec l’éditeur — ne nous coûtera rien puisque nous aurons récupéré l’argent de sa vente avant même l’échéance de paiement chez l’éditeur. Sympa, non ? D’où l’intérêt de bien calculer ses commandes et de, surtout, nettoyer ses rayons afin d’éviter les stocks dormants !
Et avec tout ce travail et nos plus de 45000 références, nous n’avons pourtant pas tout en magasin : évidemment et heureusement ! J’ai déjà parlé des applications qui nous aident au quotidien, et celles-ci nous servent notamment à consulter nos stocks en temps réel, et donc nous permettent de pouvoir faire une commande pour un client.
Nous avons également comme beaucoup de magasins un système de click&collect, que nous gérons également pour toute la librairie — pas que notre rayon, bien sûr. Et puis il y a évidemment nos téléphones — nos fameux outils de travail —, qui sonnent à mon goût trop souvent, et sur lesquels nous avons mis en place un système d’échange par sms avec nos clients qui ne peuvent/veulent ni appeler, ni se déplacer.
Bon, ça fait beaucoup d’infos, et beaucoup de travail — je vous épargne la partie « faire la poussière dans ses rayonnages et sur ses tables, et aussi ranger les livres par grandeur pour que ça soit joli, oui. ». Pourtant, je n’ai pas encore parlé de mon aspect préféré : le conseil client.
Il y a des jours où, évidemment, on va tomber sur les pires personnes, odieuses, impolies et impatientes — Noël, je te pointe du doigt — mais la plupart du temps, si vous êtes sympa et sincère comme moi, on fait de super rencontres avec des gens qui nous font garder le sourire toute la journée. Des petits comme des grands avec qui on peut prendre le temps de discuter, pas toujours de livres, même !
Ce contact avec les clients est la raison principale pour laquelle j’aime autant mon métier ; je leur apprends des choses, et eux m’en apprennent en retour. Et puis, je passe mes journées entourée de super livres que j’ai évidemment envie d’acheter, dans un cadre bienveillant et chaleureux : le rêve !
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