Grain

par Juliette | 20 Juin 2021

Temps d'écoute : 4 minutes

Pour sa première carte blanche,
Juliette a choisi d’explorer les contrées de la poésie orale
et de jouer avec les rythmes, les sonorités, les sens.
Un voyage audio et musical dans l’infiniment petit…

__

Écriture et Mise en voix :
Juliette
Musique et Réalisation audio :
Théo
Disponible également sur Soundcloud.
je suis celui qui colle
fuit
s’écrase
reluit
se disperse
chante sous le vent

mouillé
je trace

asséché
je décolle

les jours de cers
je fouette vieilles peaux et jeunes gens

je réfléchis
intensément

surtout la lumière

ramollis l’ambition
et la chair

exècre les chiens
et grille les plantes

égraine les espoirs
les déçus
les tenaces
les tout juste nés

j’avive les piqûres
sur lesquelles il faudra pisser

je suis
parcelle particule

celui qui précède
sans qui rien n’existerait

malgré moi
j’amasse mes semblables

je suis
grain de sable

*

j’en ai vu passer des vagues
sur mon front de mer

elles m’ont roulé
mis à l’envers

elles ont creusé
le sillon de mes envies

elles m’ont rapiécé ou poli

depuis
j’ai la tête dure
les idées droites
je tiens ça de mon quartz originel

si je crisse sous la dent
c’est pour qu’on me laisse au ban(c)

mais fallait
que tu croises ma route

que t’allonges ton flegme
sur mes doutes

maintenant
je n’y tiens plus
la grève me tient en tenaille

je veux partir
remuer tes entrailles

alors oui
je suis celui qui va gripper ta mécanique
me glisser dans tes rouages
pour chercher le déclic

tu vois le bonheur
ça rape
ça ripe
ça fait sauter le boulon

ça met tout à l’arrêt
mais allez
qu’est-ce que c’est bon

quand nous serons
arrachés à la falaise et saisis par la houle

sens dessus dessous
la tête dans le goémon

on sera vibrants et surtout moins cons

alors oui
j’ai un grain une fêlure une follerie
en fait j’ai un grain de toi

ça te fait peur sans doute
mais
la vie sans averse
pour remplir nos cœurs
ça serait quoi ?

ça manquerait de sel je crois

 

*

de sel
 de riz
 de poivre
 de café
   de poussière
   de sable
   de millet
   qu’il soit
 entier
 concassé
 torréfié
grossier
qu’il
 germe
 mûrisse
 fermente
   ou monte au nez
   se sème
   à tous vents
 se récolte
 gaiement
qu’il soit
 indiscret
 menaçant
 fou
   saillant
   nuisible
   taché
    photogénique
   métrique
   bretonnant
   ou poreux
je le mouds
 j’y veille
 je le trie
 je l’ai
   dans
   la voix
   la peau
    la tête
    les mains
   il me
   semble
   que j’ai
un grain

 

*

 

alors c’est bon tu viens ?

laisse-toi semer
viens graminer

je voudrais qu’on se laisse en jachère
et qu’en nous pousse l’ivraie

après tout
il n’y a ni bon ni mauvais

nous serons la texture
et l’aspérité

ce qui ne se révèle
qu’au toucher

nous serons cette mesure des temps passés

la pulsion
l’émulsion
l’incroyable invention

nous ferons l’éloge du minuscule

eh oui !
les petits s’associent
quand les grands se bousculent​​​​

nous les taches
eux sans scrupules

« indélébiles ! » disent-ils

moi j’y vois surtout
de la joie
qui s’incruste dans la maille
et rejaillit à tout poil

hérisse pigmente et s’effiloche

faut être aveugle pour ne pas voir
que nous sommes des bombes à graines
qui explosent
vivaces tenaces
dans jardinières et champs de blé

voici venu
le règne
des grains de beauté

 

*

de sel
 de riz
 de poivre
 de café
   de poussière
   de sable
   de millet
   qu’il soit
 entier
 concassé
 torréfié
grossier
qu’il
 germe
 mûrisse
 fermente
   ou monte au nez
   se sème
   à tous vents
 se récolte
 gaiement
qu’il soit
 indiscret
 menaçant
 fou
   saillant
   nuisible
   taché
    photogénique
   métrique
   bretonnant
   ou poreux
je le mouds
 j’y veille
 je le trie
 je l’ai
   dans
   la voix
   la peau
    la tête
    les mains
   il me
   semble
   que j’ai
un grain

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Vols planés #3

2024-2025

Deuil de l’étymologie

D’où vient-il, le tout premier mot ?
Pour sa carte blanche, Théo explore les contrées de la poésie orale, et nous emmène sur les traces de l’origine des mots.
Un texte à lire… et à écouter.

Compter les heures

Je suis passée devant par hasard. Et je me suis arrêtée. Je me retrouve plantée sur le trottoir, à fixer le bâtiment. J’essaie peut-être de ressentir quelque chose.

Vols planés #2

2022-2023

En suspens

« J’ai voulu t’empêcher de dire quelque chose d’irréversible. Je crois que par-dessus tout je ne voulais pas l’entendre. Pour ne pas avoir à te répondre, à te faire remarquer que ton propos était déplacé, que je ne pouvais pas l’accepter. Pour que ne résonne pas dans la pièce une idée que, d’emblée, je refusais. »

Aux origines de la révolution

« Peut-être qu’un jour, on osera mettre un mot sur ce qu’il s’est passé.
On y repensera, on se demandera comment ça a émergé, oui, comment déjà ? Il y avait Kériel, bien sûr, mais avant ? Et alors, on se souviendra d’elle. La petite bête. »

Chute libre

« Un mangeur de mondes a repéré notre planète. Le grand personnage se croit si puissant qu’il peut la gober, qu’il peut l’avaler en entier. Il la toise au creux de sa main, la fait rouler dans sa paume en retroussant ses babines dans un bruit de succion. »

Pour que l’aube advienne

« Nous pensions encore la veille être en zone libre. Mais c’était un matin de novembre 1942, et les allemands venaient d’entrer à Saint-Cirq-Lapopie. »

Tout Se Mélange

Pour le dernier Vol plané avant la pause estivale, Séraphin propose un morceau à écouter, les yeux clos, un soir d’orage ou un après-midi caniculaire. « Que faisais-tu hier, quand la terre est tombée ? »

Classé sans suite

« Ça peut s’effacer comme ça, ces moments ? De la poudre d’étoiles au ciel et son bras nu… De la poudre aux yeux ? »


Ça recommence.

« Le piège à ours s’est refermé sur toi d’un coup, clac. Tu ne savais même pas que tu étais perdue dans la forêt ; tu ne savais même pas que tu devais faire attention. »

Guerres

Trois poèmes pour confronter notre humanité et les actes de guerre qui se perpétuent malgré tout.

Grenouille

« Tu es là, ma petite grenouille, avec tes cuisses et ton gros ventre, des petits yeux que tu peines à ouvrir. »

Vols planés #1

2021

Franchement

Perrine signe son premier vol plané, sans aucun doute outragé, mais qu’y voulez-vous, c’est un drôle de monde !

Nuits blanches

Anatole signe son premier poème ici, en hommage à un regretté auteur qui, à ses yeux, a changé le visage de la nuit.

Vous écrivez ?

« Rhétorique, la question constitue pour Jean une réplique usitée des scènes de la vie sociale, car l’affaire, à son grand désarroi, a fait le tour de son cercle d’amis : il écrit un roman. »

Les choses de peu d’importance

À l’occasion de son Vol Plané, Wanda déploie une liste des “choses de peu d’importance”. Ces choses futiles au premier regard, qui remplissent pourtant nos vies et nous manquent lorsque nous restons confiné·e·s dans nos intérieurs.

Jack

Les créatures de l’hiver vous accueillent chaleureusement entre rêve et réalité, dans le désordre des saisons, pour vous inciter à participer à leur vol plané.

Derrière tes mots

Passant des néons à la flamme d’un briquet, comme du néant à l’inspiration, Noémie révèle ici, de manière étrange et miraculeuse, ce qui sommeille en nous, chaque jour et chaque nuit… et attention, ça vit !

Engagement

Dans ce poème déclamatoire, Séraphin explore les versants du mot « Engagement », à une époque où se côtoient engagement des corps et désengagement des cœurs.

Songes habitables

Trois poèmes rédigés par Théo et dédiés à trois personnalités artistiques qui l’ont marqué par leurs œuvres.