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Deuxième migration
Après nos rêves
Des bonbons pour ta peine
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La machine à neige
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Là-bas
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Première migration
Drôles d’oiseaux
Plumes recomposées
Quelques plumes nous ont échappé au cours de notre migration. Juliette les a ramassées pour recomposer un duvet d'un tout autre acabit. Petit poème bonus pour clore notre premier vol. J'ai beaucoup réfléchi Que symbolisait cette valise sinon un désir de départ ? Un long détour peut-être...
Ils sont là, quelque part…
Ils sont là, quelque part… Dans les yeux Près du cœur Sous les cieux Ou ailleurs Ils sont là Triomphants Malheureux Solitaires Amoureux Ils sont là Quelque part… Dans l’infiniment grand L’intimement petit En couleur Ou en gris Ils sont là Battant chaque mesure Ou bien boitant de l’aile En peinture...
Différent
Il a toujours été comme ça, mon drôle d’oiseau. La tête dans les nuages, toujours à papillonner. Manque d’attention, selon ses instituteurs. Mais je sais, moi, qu’il a juste mille scènes qui se jouent dans son esprit. Là où l’on voit un nuage, lui imagine un château fort, la rivière se transforme...
Baignade
Ma pensée se déroule comme la rivière dans laquelle j’ai glissé mes pieds. Elle coule sans arrêt, se précipite ou bien se laisse porter, toujours vers une destination inconnue. Par moments, tout va plus vite, elle est entraînée par elle-même. D’autres fois, c’est la traversée silencieuse de...
Rouge
On a couru le long de la rivière, et l’allée était peuplée de citrouilles. C’était un mois trop tôt. Les pierres glissaient sous nos pieds, elles dégringolaient dans l’eau glacée. On s’est perdus de vue dans le tumulte, mais on savait qu’on se retrouverait, au bord de l’étang. Amont, on saura à...
Le nid
Le soir venu, l'oiseau fait son nid. Il aura pris soin, au préalable, de choisir l'endroit. Il aura inspecté tous les arbres environnants, étudié l'inclinaison, éprouvé la solidité du tronc — il ne faudrait pas se retrouver par terre ! Il aura ensuite rapatrié ses outils et, sagement, presque...
Fuite en avant
C’était un lieu étrangement vide. Il n’y avait que deux vieilles barques de presque trois mètres de long, posées au milieu de la pièce et on devait les regarder avec intérêt pour montrer notre grandeur d’esprit. J’avais payé 15€ l’entrée de ce musée coloré, certes très beau mais un peu trop épuré....
Il y a quelque chose
Il y a quelque chose Il y a quelque chose De plus dans ton regard Quelque chose d'ouvert Quelque chose qui ouvre Il y a quelque chose Qui lave tout ce que Tes yeux peuvent toucher Et que le temps salit Il y a quelque chose Que tu veux m'enseigner Sur nous deux sur nous tous Un long détour...
J’ai rêvé qu’il y avait un demain
On a pris la voiture, quelques affaires, c’est tout. On n’a pas réfléchi. Enfin… On a bien galéré une heure, penchées sur le GPS. Pourquoi voulait-il nous faire passer par des routes aussi improbables ? Tu l’as copieusement insulté. J’en ai rigolé, doucement. Je ne voulais pas te contrarier...
Le club des drôles d’oiseaux
22 octobre 2019 Cher journal, j’ai beaucoup réfléchi. C’est vrai que je n’ai pas d’amis, mais au collège on est plusieurs à ne pas en avoir. Alors je me suis demandé pourquoi tous ceux qui n’ont pas d’amis ne deviendraient pas amis. J’ai décidé de former un club, le club des drôles d’oiseaux....
La valise
Une bonne minute leur fut nécessaire pour convenir que cette araignée-là n’était pas d’une taille modeste. Quant aux mesures qui devaient être prises à son encontre, leurs avis divergeaient. Elle désirait que la passagère clandestine fût écrasée séance tenante, frémissant de la voir tapie au fond...
Lecture musicale : drôles d’oiseaux
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Aux origines de la révolution
Monsieur Miquelon avait tout du citoyen respectable. Il travaillait dur, jusqu’à soixante heures par semaine, payait ses impôts, rendait service à ses voisins, et votait presque à chaque élection : aux municipales et aux présidentielles. En revanche, si vous lui parliez des européennes, il chassait l’air d’une main. À part leur imposer des normes trop rigides, l’Europe, selon lui, ça ne servait à rien.
Un bon citoyen, en somme. Il avait aussi une femme, Nadine, et deux enfants, Marie et Lucas, tous deux partis de la maison à leur majorité. Monsieur Miquelon les avait encouragés à se lancer au plus vite, parce que « dans la vie, on ne peut compter que sur soi-même ». En réalité, il avait toujours fait en sorte que ses enfants ne manquent de rien. Une fois par trimestre, un bon restaurant, et une fois par an, les vacances à la mer. Malgré tout, il n’avait jamais vraiment réussi à dompter sa plus grande crainte, qui rejaillissait souvent en fin de repas, à la faveur de quelques verres. « Moi, en trente ans de carrière… » commençait-il, et sa progéniture de compléter : « Pas un arrêt maladie, pas un jour de chômage ! »
Le message était passé. Aujourd’hui, Lucas travaillait comme mécanicien dans un atelier de motos. Marie, elle, était assistante maternelle. Monsieur Miquelon pouvait être rassuré : ils étaient casés. Quant à lui, de toute évidence, il aimait son métier. Si vous l’interrogiez à ce sujet, il répondait avec enthousiasme qu’il faisait un peu de tout – peinture, électricité, plomberie – et ne se disait pas peu fier de ses trente années d’expérience. S’il décelait chez vous un minimum d’intérêt, fût-ce par politesse, vous vous retrouviez noyé au milieu de considérations sur les charges trop lourdes et les jeunes qui délaissent les métiers manuels. Dans ces cas-là, mieux valait ne pas être pressé.
Un jour, c’était un dimanche, Monsieur Miquelon était attablé à la cuisine et ouvrait un à un les courriers reçus dans la semaine. Nadine, cheveux relevés sur la nuque, frottait avec acharnement les plaques de cuisson luisantes de graisse – le repas dominical était toujours le plus généreux, en quantités comme en masse de travail. Elle ne se plaignait pas. Son mari s’occupait de bien d’autres choses, notamment de la paperasse dont elle avait horreur. « On ne change pas une équipe qui gagne ! » répondait Monsieur Miquelon à ceux qui les trouvaient traditionalistes. De temps à autre, quand il étudiait les factures, un grognement surgissait de sa gorge encrassée par des années de tabagisme, sans qu’on puisse déterminer s’il s’agissait d’une marque de concentration ou de désapprobation.
« Alors ça, c’est curieux ! » s’exclama-t-il ce jour-là, le front plissé par les multiples lignes de son relevé bancaire. Nadine ne se retourna même pas – son mari avait coutume de parler tout seul. Pourtant, cette fois, il s’adressait bien à elle puisqu’il renouvela sa surprise, de façon plus marquée. Elle laissa échapper un « Quoi ? » résigné.
— Y a un prélèvement que je m’explique pas !
— Ah bon ?
Elle stoppa son geste, soudain inquiète. Ils avaient beau ne pas être dans le besoin, les réserves sur leur compte en banque restaient une source de préoccupation.
— De combien ?
— Vingt-cinq centimes.
Elle se détendit instantanément. Vingt-cinq centimes. Il la dérangeait pour vingt-cinq centimes. « Ce que tu peux être pingre », lâcha-t-elle après avoir aspergé le plan de travail de produit ménager. Monsieur Miquelon se leva de sa chaise et lui brandit la feuille sous le nez. Il tapota dessus d’un index inquisiteur.
— Regarde !
— Quoi, regarde ? Qu’est-ce qu’on s’en fiche d’avoir perdu vingt-cinq centimes !
— Regarde, j’te dis !
Devant son air insistant, Nadine consentit à abandonner l’éponge et commença par éloigner le relevé bancaire de son visage (cela faisait belle lurette qu’elle n’arrivait plus à lire de si près). « La… petite… bête… » déchiffra-t-elle péniblement.
— La petite bête ? répéta-t-elle sans comprendre. C’est quoi, ça, la petite bête ?
— Justement, j’en sais rien.
C’est alors qu’elle se fit suspicieuse.
— Patrick… Tu s’rais pas en train de me faire tourner en bourrique, là ? La petite bête… Ce s’rait pas un site olé olé ?
— Voyons, ma chérie ! Si c’était ça, j’t’en parlerais pas !
Nadine se renfrogna. Elle garda toute son amertume en elle, trop lasse pour affronter une nouvelle dispute. Ça partait si souvent en vrille entre eux… Pour un rien. Ils étaient tout à fait capables de se hurler dessus pour vingt-cinq centimes. Non, vraiment, ça ne valait pas le coup. Si pour une fois, ils pouvaient passer un dimanche tranquille… Elle haussa les épaules, lui rendit la feuille et retourna à son ouvrage. Monsieur Miquelon, quelque peu déçu du manque de curiosité de sa femme, continua de s’interroger tout seul : « Quand même, qu’est-ce que ça peut bien être ? C’est bizarre… Un nom pareil, ça m’aurait marqué. Et puis, vingt-cinq centimes, qu’est-ce qu’on peut bien avoir pour vingt-cinq centimes ? Par virement, en plus ! C’est bizarre… Vraiment, y a un truc qui m’échappe. »
Il ressassa ce questionnement plusieurs minutes encore, jusqu’à ce que, n’y tenant plus, Nadine finisse par lâcher : « Si ça te turlupine tant, t’as qu’à aller voir ta banque ! »
Elle regretta aussitôt d’avoir craqué. C’était exactement ce qu’il ne fallait pas dire. Monsieur Miquelon s’engouffra dans la brèche : « Non mais ça va pas ? On va pas aller pleurnicher pour vingt-cinq centimes… On gagne notre vie dignement, nous, on fait attention à ce qu’on dépense, nous, et on ne passe pas notre temps derrière les guichets à réclamer l’aumône, nous ! »
Le mois suivant, Monsieur Miquelon remarqua un nouveau prélèvement de la petite bête. De cinquante centimes, cette fois. La même scène éclata le dimanche à la maison. Mari et femme s’accusèrent mutuellement de mensonge, mais la conclusion fut identique : il n’irait pas à la banque. De quoi aurait-il l’air ? Ça ferait mauvais genre. Et puis, pour leur crédit, il pourrait y avoir des représailles… Sans parler de l’assurance. Madame Filipp, leur conseillère, n’était pas très compréhensive.
Bientôt, la petite bête préleva un euro, puis un euro cinquante, deux euros, puis quatre… Sans en dire un mot à Nadine, Monsieur Miquelon s’enquit auprès de son fils. « À ton avis, c’est quoi, ce truc, un nouveau type d’arnaque ? » Il espérait régler l’affaire discrètement, en famille. Pour éviter que ça se sache… Mais Lucas n’en savait rien. Il donna le même conseil que sa mère : le mieux serait d’avertir la banque. Alors, Monsieur Miquelon céda. S’il n’y avait pas d’autre solution… Il se rassura comme il put, se répétant qu’il était normal de s’inquiéter de mouvements suspects sur son compte, aussi minimes soient-ils. Qu’il n’y avait aucune honte à ça. Même les riches devaient surveiller leurs comptes. Enfin, c’est ce qu’il se disait… Des riches, il n’en connaissait pas.
Pourtant, lors de leur rendez-vous, Madame Filipp ne lui apporta aucune réponse satisfaisante. Elle promit d’avertir le service des fraudes, et préconisa de faire opposition sur sa carte, à titre préventif. L’affaire était étrange, reconnaissait-elle. « Généralement, quand quelqu’un pirate vos données bancaires, ce n’est pas pour voler quelques euros. Et ce surnom, la petite bête, ce n’est pas très discret. » Devant l’air déconfit de Monsieur Miquelon, elle arbora un sourire gorgé d’empathie. Monsieur ne devait pas s’inquiéter, le changement de carte bleue devrait régler le problème, et si leurs services trouvaient quelque chose, bien entendu, elle l’en avertirait. Elle en profita pour le féliciter de la bonne réussite de ses affaires (« Je n’ai que de bons échos sur vous, Monsieur Miquelon ! »), et lui parla d’un nouveau crédit à la consommation au taux très avantageux.
Monsieur Miquelon reçut sa nouvelle carte bleue, mais rien n’y fit, sur le relevé suivant figurait encore la petite bête. Montant grignoté : huit euros. Cette fois, il sentit la rage monter en lui. Huit euros, tout de même ! La somme n’était pas négligeable. Elle s’était bien payé sa tête, la banquière… Quelle hypocrite ! Il lui ferait ravaler son sourire mielleux. Alors comme ça, elle prenait le problème à la légère… Eh bien, pas lui. Il dégaina son téléphone pour réclamer un nouveau rendez-vous. Quelle ne fut pas sa surprise quand il apprit que Madame Filipp était absente pour une durée indéterminée, et qu’il devait renouveler son appel ultérieurement… Comme par hasard ! Sans se laisser démonter, il demanda à voir le responsable de l’agence. « Je regrette, Monsieur, c’est impossible » lui répondit-on avec la plus grande amabilité. Et on lui raccrocha au nez.
Le lendemain, peu avant neuf heures, Monsieur Miquelon attendait devant l’agence, prêt à en découdre. Il fut quelque peu étonné de constater qu’il n’était pas seul. Une dizaine de personnes stationnait là également. Et pas que des retraités. Étonnant, pour un jeudi matin… Les sourcils étaient froncés, les mines graves. Certains avaient rabattu leur capuche et remonté leur cache-col. Quand l’agent d’accueil ouvrit les portes à contrecœur, tous se ruèrent à l’intérieur. Les paroles fusèrent dans un large brouhaha :
— C’est une honte !
— À ce niveau-là, c’est pas de l’incompétence… C’est de l’escroquerie !
— Y en a marre d’être pris pour des pigeons !
— Rendez mon argent !
— Elle a bon dos, la petite bête…
— Kériel, démission !
Monsieur Miquelon resta dans l’entrée, estomaqué. L’agent d’accueil s’était retranché derrière le comptoir, et réclamait du renfort par téléphone. En effet, celui dévolu à la sécurité avait bien du mal à retenir les mécontents. Certains tapaient du poing sur les bornes de retrait, d’autres renversaient ce qui leur passait sous la main, chaises, tables, présentoirs, prospectus… Une dame au manteau violet continuait de réclamer la démission du PDG, à grand renfort de cris stridents. Monsieur Miquelon finit par lui demander :
— Mais enfin, qu’est-ce qui s’passe ?
— Quoi, vous êtes pas au courant ? La télé parle que d’ça !
Tellement obnubilé qu’il était par ses problèmes, il n’avait rien suivi de l’actualité de ces dernières semaines.
— C’est la petite bête ? demanda-t-il, hébété.
— Ben oui ! Ils ont le culot de dire qu’ils y sont pour rien… mais enfin, c’est évident, la petite bête, c’est eux ! Ils nous volent notre argent !
Ils revinrent le lendemain, un peu plus nombreux. Puis le surlendemain. La semaine suivante, ils étaient une centaine. Ils durent forcer l’entrée. Des vitres furent brisées, des poubelles incendiées. Le PDG était toujours aux abonnés absents – du pain béni pour les médias, qui spéculèrent de plus en plus sur les raisons de ce silence. Le mois suivant, la somme « mangée » par la petite bête avait dépassé la barre symbolique du million d’euros. Et toujours aucune explication. Cent mille personnes répondirent à l’appel lancé par la dame au manteau violet. Les rues se noircirent de monde. Dans toute la France, des agences bancaires furent prises pour cible. Mais aussi des bâtiments publics. « Faites votre boulot, retrouvez l’argent ! » pouvait-on lire ainsi sur la façade du Centre des Finances Publiques. Les forces de police étaient débordées. Le gouvernement convoqua une cellule d’urgence. On craignait l’extension du mouvement : sa cote de popularité ne cessait d’augmenter, même chez ceux qui n’étaient pas touchés par la petite bête.
Deux semaines plus tard, dans une allocution télévisée à l’audience inégalée, Joseph Kériel remettait sa démission et annonçait la faillite de la Société Globale. Il y eut un moment de stupeur. Pendant vingt-quatre heures, personne ne sut que faire. Puis la machine s’emballa. Le Premier ministre annonça un plan de sauvetage, et ce fut comme s’il avait annoncé que c’était lui, la petite bête. La réaction ne se fit pas attendre : la mobilisation reprit de plus belle, avec pour nouveau mot d’ordre la démission du gouvernement. Le bras de fer ne tint pas plus de trois semaines. Après que le Premier ministre eût rendu son tablier, il apparut que le véritable problème, c’était les institutions. La Cinquième République ne répondait plus aux exigences du peuple. (À ce stade, tout le monde avait oublié la petite bête, ou presque. Il faut dire que depuis peu, elle se faisait plus discrète.)
Mais le Président n’était pas prêt à céder sur ce point. Convoquer une nouvelle assemblée constituante, non, vraiment… non. La crise avait assez duré. Il fallait rétablir l’ordre.
C’est à ce moment-là que les choses ont mal tourné. Le ton est monté, des deux côtés. La violence aussi. Bientôt, la neutralité ne fut plus admise. Ne rien dire, ne rien faire, c’était jouer le jeu du gouvernement. Manifester, s’impliquer, c’était jouir du chaos.
Il y eut des morts, de part et d’autre. Des dérapages, et des accidents provoqués. Chacun put ressentir la peur au creux de son ventre. L’élan, la révolte, l’envie d’y croire… mais surtout la peur. Celle qui tiraille et qui harcèle l’esprit de cette question : Et après ? Et après, quoi, un monde meilleur ?
Jusqu’au bout, le doute subsista.
Jusqu’au bout.
Et même encore aujourd’hui.
*
Peut-être qu’un jour, on osera mettre un mot sur ce qu’il s’est passé.
On y repensera, on se demandera comment ça a émergé, oui, comment déjà ? Il y avait Kériel, bien sûr, mais avant ? Et alors, on se souviendra d’elle. La petite bête. On se rappellera le million d’euros. Cette somme disparue, envolée, introuvable. On se souviendra qu’au départ, ce n’était pas autant d’argent. Non, pas autant. Combien, déjà ? Il avait bien fallu quelque chose de significatif pour mettre le feu aux poudres. Et c’est alors qu’on le retrouvera. Celui qui, le premier, fut frappé par la petite bête. Monsieur Miquelon. On s’amusera de son nom, de sa vie ordinaire. On mettra la main sur ses relevés bancaires. On les épluchera un à un, à partir du plus récent, jusqu’à trouver le bon. Celui du commencement. Une fois déniché, fébriles, on cherchera la bonne ligne. Comme Nadine en son temps, on plissera les yeux. Et là, on verra. Des pattes de mouche, minuscules, presque effacées. On lira les lettres qui, accolées, constitueraient la preuve. La preuve du premier prélèvement. L’origine du « printemps jaune », comme on se sera mis à l’appeler. On relèvera la tête, et, médusés, incrédules, on annoncera : vingt-cinq centimes.
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Vols planés
En suspens
« J’ai voulu t’empêcher de dire quelque chose d’irréversible. Je crois que par-dessus tout je ne voulais pas l’entendre. Pour ne pas avoir à te répondre, à te faire remarquer que ton propos était déplacé, que je ne pouvais pas l’accepter. Pour que ne résonne pas dans la pièce une idée que, d’emblée, je refusais. »
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« Un mangeur de mondes a repéré notre planète. Le grand personnage se croit si puissant qu’il peut la gober, qu’il peut l’avaler en entier. Il la toise au creux de sa main, la fait rouler dans sa paume en retroussant ses babines dans un bruit de succion. »
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« Nous pensions encore la veille être en zone libre. Mais c’était un matin de novembre 1942, et les allemands venaient d’entrer à Saint-Cirq-Lapopie. »
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