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Deuxième migration
Après nos rêves
Des bonbons pour ta peine
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La machine à neige
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Là-bas
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Première migration
Drôles d’oiseaux
Plumes recomposées
Quelques plumes nous ont échappé au cours de notre migration. Juliette les a ramassées pour recomposer un duvet d'un tout autre acabit. Petit poème bonus pour clore notre premier vol. J'ai beaucoup réfléchi Que symbolisait cette valise sinon un désir de départ ? Un long détour peut-être...
Ils sont là, quelque part…
Ils sont là, quelque part… Dans les yeux Près du cœur Sous les cieux Ou ailleurs Ils sont là Triomphants Malheureux Solitaires Amoureux Ils sont là Quelque part… Dans l’infiniment grand L’intimement petit En couleur Ou en gris Ils sont là Battant chaque mesure Ou bien boitant de l’aile En peinture...
Différent
Il a toujours été comme ça, mon drôle d’oiseau. La tête dans les nuages, toujours à papillonner. Manque d’attention, selon ses instituteurs. Mais je sais, moi, qu’il a juste mille scènes qui se jouent dans son esprit. Là où l’on voit un nuage, lui imagine un château fort, la rivière se transforme...
Baignade
Ma pensée se déroule comme la rivière dans laquelle j’ai glissé mes pieds. Elle coule sans arrêt, se précipite ou bien se laisse porter, toujours vers une destination inconnue. Par moments, tout va plus vite, elle est entraînée par elle-même. D’autres fois, c’est la traversée silencieuse de...
Rouge
On a couru le long de la rivière, et l’allée était peuplée de citrouilles. C’était un mois trop tôt. Les pierres glissaient sous nos pieds, elles dégringolaient dans l’eau glacée. On s’est perdus de vue dans le tumulte, mais on savait qu’on se retrouverait, au bord de l’étang. Amont, on saura à...
Le nid
Le soir venu, l'oiseau fait son nid. Il aura pris soin, au préalable, de choisir l'endroit. Il aura inspecté tous les arbres environnants, étudié l'inclinaison, éprouvé la solidité du tronc — il ne faudrait pas se retrouver par terre ! Il aura ensuite rapatrié ses outils et, sagement, presque...
Fuite en avant
C’était un lieu étrangement vide. Il n’y avait que deux vieilles barques de presque trois mètres de long, posées au milieu de la pièce et on devait les regarder avec intérêt pour montrer notre grandeur d’esprit. J’avais payé 15€ l’entrée de ce musée coloré, certes très beau mais un peu trop épuré....
Il y a quelque chose
Il y a quelque chose Il y a quelque chose De plus dans ton regard Quelque chose d'ouvert Quelque chose qui ouvre Il y a quelque chose Qui lave tout ce que Tes yeux peuvent toucher Et que le temps salit Il y a quelque chose Que tu veux m'enseigner Sur nous deux sur nous tous Un long détour...
J’ai rêvé qu’il y avait un demain
On a pris la voiture, quelques affaires, c’est tout. On n’a pas réfléchi. Enfin… On a bien galéré une heure, penchées sur le GPS. Pourquoi voulait-il nous faire passer par des routes aussi improbables ? Tu l’as copieusement insulté. J’en ai rigolé, doucement. Je ne voulais pas te contrarier...
Le club des drôles d’oiseaux
22 octobre 2019 Cher journal, j’ai beaucoup réfléchi. C’est vrai que je n’ai pas d’amis, mais au collège on est plusieurs à ne pas en avoir. Alors je me suis demandé pourquoi tous ceux qui n’ont pas d’amis ne deviendraient pas amis. J’ai décidé de former un club, le club des drôles d’oiseaux....
La valise
Une bonne minute leur fut nécessaire pour convenir que cette araignée-là n’était pas d’une taille modeste. Quant aux mesures qui devaient être prises à son encontre, leurs avis divergeaient. Elle désirait que la passagère clandestine fût écrasée séance tenante, frémissant de la voir tapie au fond...
Lecture musicale : drôles d’oiseaux
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Ça doit être ça, l’amour
Toute ressemblance avec des faits existants ou des personnes existantes ou ayant existé n’est absolument pas fortuite.
Après avoir attendu le train presque trente minutes dans le froid, je peux enfin m’installer. J’ai six heures de trajet et une bonne sieste de prévue, Toulouse se dessine enfin à l’horizon. Autant j’aime quitter ma routine, autant passer une semaine à prospecter pour un nouvel appartement dans une ville à l’autre bout de la France me donne le goût de me blottir au fond de mon canapé devant un bon documentaire.
Place 57… Mon siège est déjà occupé. Je ne suis pas à une contrariété près, alors je négocie poliment ma place et lui demande de mettre ses écouteurs, pour finalement m’installer de mon mieux côté fenêtre. Il fait encore jour, le train part. C’est toujours un peu difficile de choisir une sieste inconfortable mais nécessaire lorsqu’on peut profiter du plaisir de l’abandon de soi dans le paysage défilant. Et dans le même temps, mon esprit en ébullition se contente rarement d’une activité aussi passive. Je parcours à la place ma bibliothèque d’épisodes téléchargés. À l’aller, je devais éviter de regarder le siège avant pour ne pas me faire spoiler ma série, alors pour éviter ce désagrément à mon voisin, je m’installe en biais et me plonge dans mon visionnage.
Au bout de quelques minutes, mon regard est attiré par l’écran de mon compagnon de voyage. Il commence la rédaction d’un mail par des mots qui éveillent mon intérêt :
« J’avais une grande nouvelle à t’annoncer mais je vois que tu m’as bloqué, c’est chic. »
Je ne sais pas quel type d’inconnu·e vous êtes, mais je suis le genre à me passionner très vite pour les vies que je croise, même un bref instant. Ce début de message me semble très prometteur, j’ai du mal à en décrocher. Mon épisode continue de se dérouler d’un côté pendant que mon regard glisse discrètement vers le téléphone de ce Nicolas (selon son adresse mail). Je suis ses hésitations et la rédaction de son message pendant près de vingt-cinq ou plutôt… cinquante-cinq minutes ! Le générique s’affiche sur mon écran pendant que sur le sien, le message vient d’être relu pour la dixième fois avant d’être, enfin, envoyé. Je vous en partage évidemment le contenu :
« J’avais une grande nouvelle à t’annoncer, mais je vois que tu m’as bloqué, c’est chic. C’est la dernière fois que je te contacte.
Tu fais une grave erreur, tu ne rencontreras aucun homme comme moi, tu aurais pu être la plus heureuse à mes côtés, oui, assurément.
J’ai besoin de mes mailings car j’ai réussi à booker mon expo pour le printemps, ça va être le plus gros événement de la place. J’ai besoin de mes avocats.
Si t’as la flemme de m’envoyer les documents, fais des captures d’écrans, merci.
Bonne route. »
***
« “C’est chic” ? C’est CHIC ?! Il se prend pour qui ? Quel ringard, j’hallucine… »
Naélie, la destinatrice, commente le mail qu’elle vient de recevoir, sous le choc. Ça peut se comprendre, quand on bloque quelqu’un, c’est rarement pour recevoir de ses nouvelles, encore moins pour lire ce genre de messages. Malheureusement elle ne peut pas totalement éviter Nicolas à cause du travail, mais c’est bientôt la fin de son projet avec son entreprise. Tant mieux.
« J’ai bien fait de le bloquer. Je n’arrive toujours pas à croire que j’aie cédé à ce mec… En plus, j’suis sûre qu’il a déjà booké un date avec une autre meuf dès qu’il a appuyé sur « envoyer » ! ».
Si elle ne la connaissait pas aussi bien, Mathilde serait rassurée de voir son amie aussi choquée et énervée, mais elle a bien vu son visage se fermer à la première lecture du mail.
Une fissure s’est créée en elle. Elle se déteste. Elle déteste ce moment, elle en a le ventre serré. Pourtant, une satisfaction bien connue fait surface. Ce doux sentiment de flagellation. Cette honte créée par une passion pour un homme qui ne la respecte pas. Elle l’a apprivoisé, ce sentiment : c’est son adrénaline, celle qui lui permet de se sentir en vie. Mais étrangement, ce soir-là, une nouvelle force est venue faire basculer les émotions de Naélie. Elle étouffe. C’est trop. Cette fois-ci, sans qu’elle comprenne pourquoi, ce n’est plus supportable. Alors, sa boussole à relations perd le nord. La colère surpasse le déni.
« C’est sûr, ce connard doit déjà taper ses meilleurs swipe maintenant qu’il sait qu’il ne pourra plus m’atteindre. »
***
Bien vu. La nouvelle missive de notre anti-héros — qu’il s’est empressé de rédiger une fois le sordide message d’adieu envoyé — s’est dirigée vers une jeune femme qui n’a pas de prénom et qui n’a certainement que peu d’importance pour lui. Il est allé chercher dans ses messages envoyés le contenu adapté, et dans un agile copier/coller s’est lancé dans une proposition de rendez-vous, chez lui.
Dommage, il est à côté d’une femme qui, en plus d’avoir de l’expérience en la matière, possède aussi une réelle passion pour les relations d’inconnu·es. Je n’en perds pas une miette, c’est un vrai spectacle. Sa jambe remue sous l’effet du stress. Je note son réflexe de relire le message envoyé à Naélie dès qu’il a contacté l’inconnue, l’ouverture de Tinder pour tout de suite fermer l’application et revenir relire son message d’amour, d’adieu et de requête professionnelle. Quelle maladresse. Risible. Le pire dans cette situation, c’est que je serais presque prête à avoir de la pitié pour lui, tant il semble sincèrement perdu et innocent. Enfin, je dis bien presque, car tout ceci est finalement désespérant de manipulation toxique, que cela soit calculé ou inconscient.
***
Naélie propose à Mathilde d’aller prendre un verre ce soir. Elle a besoin d’être entourée par la foule pour éviter de ressasser le message de l’autre – enfin, pas toute seule du moins. Il y a du monde de sortie, c’est agréable, la terrasse est bondée et il fait chaud. Dans cette frénésie alcoolisée et joyeuse, Naélie se sent déjà mieux. La vie est là, la réalité du quotidien est sous ses yeux, la présence de son amie, leur pinte, la fumée de leur cigarette… Tout ça c’est concret : ça existe vraiment. Elles parlent, beaucoup, de lui. Mathilde ne lui en veut pas : bien sûr que c’est redondant comme sujet, un peu saoulant de temps à autre, mais elle est là pour ça. Un jour Naé arrêtera avec ces types et surtout avec lui. Faut juste attendre qu’elle y arrive d’elle-même, que la décision fasse sens dans sa tête et son cœur à elle.
« J’comprends pas son délire. Revenir comme une fleur, me faire du chantage moral alors que je lui ai fait comprendre que je veux plus lui parler… Il s’attend à quoi ? “Oh oui Nicolas, j’ai tellement été bête, reviens-moi mon amouuur ”… Pauvre type.
— Et puis… il ne t’a jamais officiellement appelée sa copine.
— Ouais, ouais… Mais après, est-ce qu’on a encore besoin de ça à vingt-sept ans ? “Tu veux être mon petit copain stp ?” Je veux dire… On couche suffisamment ensemble, on parle suffisamment, pour que ça se sente.
— C’est pas rien, je trouve, de dire les choses. C’est même plutôt important, pour leur donner une forme, de pouvoir les nommer.
— Hmm… Je sais pas. Mais de toute façon, c’est plus possible ses va-et-vient comme ça. J’avais demandé une réponse claire pour savoir si on allait s’installer ensemble, il m’a fait poireauter et, maintenant que je veux avancer sans lui, il utilise un mail semi-pro pour me faire regretter de pas rester avec lui ? C’est quoi son problème, putain ? »
Naélie reprend une gorgée de bière. Elle sait qu’elle continue de se mentir pour atténuer la douleur… Elle y avait tellement cru. À la table d’à côté, un groupe de jeunes trinquent au pastis ; son cœur se serre encore un peu plus au souvenir d’une belle soirée qu’elle avait passée avec Nicolas. Ils avaient pris un verre sur cette même place, ils avaient beaucoup parlé – de lui – mais elle était bien en sa compagnie. Il avait une façon de la regarder, droit dans les yeux, comme si elle était la chose la plus importante en cet instant. Comme il faisait assez chaud, ils avaient bu du pastis toute la soirée. Elle avait gardé une affection pour cet alcool, cela lui rappelait l’odeur anisée qui flottait autour de leur table pendant qu’il lui confiait toutes ces choses personnelles sur sa vie. Les jeunes rient et se coupent la parole en parlant fort, ils interrompent ses pensées.
— Tu sais Mathilde, je suis vraiment bien avec lui pourtant, on a pas mal de beaux moments ensemble. Quand il peut venir me voir, ça me rend spéciale à chaque fois. Il y a vraiment quelque chose.
— Mais est-ce que toi tu peux le voir quand tu veux ? T’es pas un peu dépendante de ses dispos et de ses envies ?
— Si si… mais il me l’a expliqué. Son taff est vraiment lourd, tu sais qu’on lui met beaucoup de pression et comme il a un peu un problème de réussite pro par rapport à sa famille, à ses amis, il peut pas mettre ça de côté, c’est toute sa vie, sa carrière. Et ses amis sont aussi vachement importants pour lui, il a presque plus été élevé avec eux qu’avec ses propres frères. Donc je peux comprendre que ça soit dur de rajouter du temps pour une nouvelle relation dans tout ça.
— Quand t’aimes une femme et que tu veux la rendre heureuse, que tu veux construire quelque chose avec elle, ce n’est pas une difficulté de donner de ton temps pour elle, que ce soit en lui parlant régulièrement ou en la voyant. Si vraiment il voulait t’offrir une relation de couple sérieuse, ça ne serait pas si difficile.
— Je sais. En plus au fond, je sais que t’as raison et j’aimerais ça aussi… que ça soit simple et évident, mais j’avais vraiment le sentiment que pour une fois j’avais trouvé une personne qui était présente pour moi, qui m’offrait des moments privilégiés, qui aimait partager des moments particuliers avec moi.
— Dans sa voiture quand vous faites des tours de périph sans vraiment vous parler ni vous regarder ? Ou quand il vient à 23h pour parler de ses problèmes de taff et de famille pour ne même pas passer la nuit avec toi ?
— Hahaha ! Quelle bouffonne je fais en fait, t’as raison.
— Mais non, c’est pas ta faute ! Juste, tu mérites tellement mieux et il m’énerve ce mec, je peux pas le blairer, il te respecte pas et il arrive à te rendre dépendante avec ses promesses fumeuses, ça me rend triste pour toi aussi.
— Je… Je me sens tellement conne de pas réussir à lui dire d’aller se faire foutre et à rester sur ma décision. J’ai peur, j’ai pas envie de reconnaître que… En fait, j’en ai marre d’être déçue…
— Je comprends, c’est dur aussi, t’es attachée…
— Hm… Vas-y, on reprend des bières ?
— Ouais, je vais les chercher c’est ma tournée, garde nos affaires. »
Mathilde s’éloigne dans le bar pendant que Naélie se retrouve seule à leur table. Le silence laissé par la fin de leur discussion est agréable. Elle allume une nouvelle cigarette et regarde autour d’elle.
Les bonnes choses ne dépendent pas de lui, peu de choses ont même été dépendantes de lui au final. Elle n’a pas répondu au mail mais elle vérifie quand même son téléphone et ses réseaux sociaux. L’addiction est là, elle lui brûle les doigts, elle a besoin de garder un œil sur lui, même virtuellement, même anonymement. Il y a toujours ce besoin de rester connectée, de préserver un lien. C’est stupide, elle le sait et sans le savoir elle reproduit les mêmes gestes que Nicolas dans le train.
***
Quand je remarque la tension de Nicolas dans ses gestes maladroits, dans son incapacité à faire une tâche plus de quelques minutes, je vois à quel point il est mordu de cette Naélie. Et pourtant, je peux aussi voir qu’il ne l’accepte pas, qu’il ne prendra jamais les devants pour lui dire autre chose que « tu fais une erreur », « c’est dommage ». Incroyable ce comportement, je reste toujours épatée par tant de lâcheté et de blocages. Je ne sais pas si la jeune femme craquera pendant le trajet. J’aimerais bien, pour le simple plaisir voyeur de lire la suite, mais je ne le souhaite pas, pour son bien-être à elle.
***
Naélie est de retour chez elle, seule, dans son studio ; elle écoute le silence de la nuit. Il est bientôt deux heures du matin, elle est fatiguée, un peu alcoolisée, mais elle ne veut pas dormir. Quelque chose dans cette soirée la pousse à ne pas vouloir la clore. Il fait bon, il fait doux. Elle sort sur son balcon fumer une nouvelle cigarette pour se donner une contenance pendant qu’elle regarde les rares cyclistes, piétons ou voitures qui passent sous sa fenêtre. Elle pense à lui, elle a froid. Elle pose machinalement la veste qu’il a délibérément oubliée chez elle, sur ses épaules. Elle ne veut plus de lui, elle veut l’effacer comme on oublie une rencontre futile. Et pourtant, il est toujours là, présent dans sa tête, dans ses fantasmes, ses pensées, ses espoirs. C’est tout ce qu’il est au final, un fantasme. Sa main se crispe dans la poche de la veste. Elle repense au film d’Éléonore Costes et comme elle n’est pas suffisamment dépitée et triste, elle joue la B.O de Fantasme dans ses écouteurs. Une image, une illusion, il n’est que ça. Elle croit encore qu’il est ce qu’il lui faut et pourtant au fond d’elle, elle est convaincue que ce n’est pas ce dont elle a besoin.
Elle relit son mail. « Tu fais une grave erreur ». Nouveau coup de poing en plein ventre. Et s’il avait raison ? La douleur est toujours aussi vive. C’est réconfortant. Elle relit ce message encore, elle fume, elle écoute sa musique mélancolique et elle a mal, encore. Cette douleur, elle l’attribue à l’amour, car on lui a toujours dit qu’aimer c’était avoir des papillons dans le ventre, c’était ressentir quelque chose de trop fort, d’incontrôlable, d’inexplicable, une émotion qui n’est pas rationnelle. Alors ces coups qu’elle ressent dans son cœur, ces doutes et ces déceptions lancinantes, ça doit être ça, l’amour.
C’est certainement ça, car elle ne comprend pas autrement ce qui la pousse dans leurs bras, à ces hommes-là. Ce doit être ça l’amour, car elle y pense tout le temps, elle veut changer pour eux, elle veut qu’ils remplissent toute sa vie sans pouvoir avoir de contrôle dessus. Le cœur qui se déchire, c’est bien la preuve d’un amour profond ? S’il n’y a pas de larmes ni de souffrance, comment savoir qu’on tient vraiment à l’autre, qu’il compte pour nous, qu’on a besoin de lui ? Alors elle relit leurs conversations, elle se replonge dans leurs photos, elle a mal, elle pleure doucement. Elle est habituée ; elle s’efface. Il se pourrait qu’elle l’aime. La fatigue l’envahit et la force à arrêter ses conneries. Elle n’a toujours pas envie de dormir, elle n’a toujours pas envie de devoir recommencer une journée avec des décisions à prendre ; mais elle finit par fermer la fenêtre et se mettre au lit : demain viendra quoi qu’il arrive.
***
Nicolas se lève, prend son sac et fouille à la recherche de quelque chose, de l’illusion d’une occupation. C’est bientôt la fin du voyage, il va rentrer à Toulouse, dans la même ville que Naélie, son mail sera bien plus proche d’elle maintenant que les kilomètres ont été avalés. La réalité le rattrape, l’espace-temps du train va bientôt disparaître, il faudra descendre et retrouver le sol habituel. Personne ne peut prévoir ce qu’il adviendra de Nicolas mais je me permets d’imaginer une suite banale, sans prise de conscience ni grands changements. Il va continuer de semer des déceptions jusqu’à recevoir un revers violent, peut-être. Il se retrouvera seul, entouré de ses faibles remords. Ça ne sera jamais vraiment sa faute mais l’idée pourra germer petit à petit dans son cerveau étriqué. Il tombera amoureux à un moment, vraiment amoureux. Il ne saura pas quoi faire, il continuera de jouer son rôle, sauf qu’elle, elle n’aura pas besoin de lui. Elle n’aura pas de patience pour les indécis, les immatures, les lâches. Et peut-être qu’un jour il connaîtra une souffrance équivalente à celles qu’il a semées. C’est une maigre consolation.
Mais son chemin n’est pas très intéressant, ce n’est pas un personnage principal. Il est temps de l’abandonner sur le quai de cette gare froide. Il fait nuit, les voyageurs se précipitent vers leur domicile, les allées se vident rapidement. Nicolas est pressé de se coucher mais il traîne le pas. Il reprend son téléphone, vérifie encore ses mails. Rien. Il se presse et s’engouffre dans les couloirs du métro ; son ombre est aspirée par un wagon sans vie.
***
Il est tôt chez Naélie mais elle n’arrive pas à se rendormir. Elle a été incapable de prendre une décision et elle sait que dans trois jours elle doit le revoir. S’enchaînent dans sa tête autant d’espoirs que d’angoisses. Les scénarios merveilleux ne se taisent jamais, elle s’y accroche pour respirer, elle lutte pourtant pour les noyer.
« T’as pas des congés à poser ? Ton contrat est fini de toute façon, tes missions sont remplies, là, c’est juste pour assister à l’événement que tu dois être présente mais t’as ton équipe aussi. Le prends pas mal, mais t’es pas essentielle pour ce qu’il reste à faire. » Mathilde cherche des solutions, elle lui en a apporté avec des chocolatines pour un petit-déjeuner soutien-et-sororité. Naélie est touchée, beaucoup plus par la présence fidèle, sincère de son amie que par ses conseils avisés. C’est ce qui fait mouche à ce moment. Elle aurait aimé, elle souhaite depuis toujours, avoir ce genre d’attention des hommes qu’elle aime. Mais au final, elle n’a jamais été autant chouchoutée que par ses amies.
« Oui en fait, autant me prendre des vacances anticipées, en plus ils me les doivent. Faut que je saisisse les côtés positifs quand il y en a ! Vas-y, on fait le mail maintenant, comme ça, c’est lancé, ça te dérange pas ?
— Non au contraire, c’est moi qui t’ai proposé ça ! On envoie le message, tu checkes un peu concrètement comment bien finir tes affaires de boulot pour que tu te sortes de ce problème, et pendant ce temps, je cherche un film. Ensuite on se pose tranquille avec nos thés pour une détente sororité. En plus ça rime, ça ne peut être qu’un bon programme !
— Merci Mathilde. Je suis désolée de te saouler à chaque fois avec mes histoires, promis je vais essayer d’arrêter d’être conne…
— Mais arrête ! C’est pas toi qui es conne, tu le sais. Et puis c’est divertissant quand même tous ces dramas !
— Ouais, moque-toi de mes malheurs, c’est ça !
— Bon tu l’écris ce mail au lieu de te plaindre ?
— Yes !
Naélie prend son ordinateur et rédige en un temps record un mail concis et professionnel. L’énergie du désespoir lui donne des ailes. Une fois le mail envoyé, elle reste muette quelques instants. Puis, elle reprend la parole avec difficulté, mais elle a besoin d’être honnête avec elle-même.
« M’enfin, ça règle pas le problème Nicolas, de fuir le taff…
— Tu verras ça plus tard, la prio c’est de t’en éloigner et de penser à toi. Protège-toi. Flemme de penser pour lui, fais les choses pour toi maintenant, c’est bon, tu vas être débarrassée c’est tout ce qui compte. »
Elle regarde par la fenêtre. Il fait très beau aujourd’hui, ça serait bien de marcher sur les quais cette après-midi et d’aller à la Prairie pour lire entre amies. Mathilde s’allonge sur le canapé et lance une playlist pop en se mettant à la recherche d’un programme sur Netflix. Naélie retourne sur son ordinateur pour mettre en vente la veste sur Vinted. Elles se retrouvent toutes les deux occupées mais ensemble, prêtes à écouter leurs histoires interminables, à rire de bêtises, à partager des silences complices, à débattre de sujets sérieux pour refaire le monde, prêtes à s’accompagner dans toutes leurs aventures à venir, les plus difficiles et les plus belles. Naélie se dit qu’au fond, c’est peut-être ça, l’amour.
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Vols planés
Compter les heures
Je suis passée devant par hasard. Et je me suis arrêtée. Je me retrouve plantée sur le trottoir, à fixer le bâtiment. J’essaie peut-être de ressentir quelque chose.
En suspens
« J’ai voulu t’empêcher de dire quelque chose d’irréversible. Je crois que par-dessus tout je ne voulais pas l’entendre. Pour ne pas avoir à te répondre, à te faire remarquer que ton propos était déplacé, que je ne pouvais pas l’accepter. Pour que ne résonne pas dans la pièce une idée que, d’emblée, je refusais. »
Le Destronaute
Tremblez
Le voilà
L’ultime destructeur
Celui qui a pété la langue
Aux origines de la révolution
« Peut-être qu’un jour, on osera mettre un mot sur ce qu’il s’est passé.
On y repensera, on se demandera comment ça a émergé, oui, comment déjà ? Il y avait Kériel, bien sûr, mais avant ? Et alors, on se souviendra d’elle. La petite bête. »
Chute libre
« Un mangeur de mondes a repéré notre planète. Le grand personnage se croit si puissant qu’il peut la gober, qu’il peut l’avaler en entier. Il la toise au creux de sa main, la fait rouler dans sa paume en retroussant ses babines dans un bruit de succion. »
Pour que l’aube advienne
« Nous pensions encore la veille être en zone libre. Mais c’était un matin de novembre 1942, et les allemands venaient d’entrer à Saint-Cirq-Lapopie. »
Tout Se Mélange
Pour le dernier Vol plané avant la pause estivale, Séraphin propose un morceau à écouter, les yeux clos, un soir d’orage ou un après-midi caniculaire. « Que faisais-tu hier, quand la terre est tombée ? »
Classé sans suite
« Ça peut s’effacer comme ça, ces moments ? De la poudre d’étoiles au ciel et son bras nu… De la poudre aux yeux ? »
Ça recommence.
« Le piège à ours s’est refermé sur toi d’un coup, clac. Tu ne savais même pas que tu étais perdue dans la forêt ; tu ne savais même pas que tu devais faire attention. »
Guerres
Trois poèmes pour confronter notre humanité et les actes de guerre qui se perpétuent malgré tout.
Deuxième migration
Après nos rêves
Lulu et les ourses
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Des bonbons pour ta peine
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La machine à neige
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Là-bas
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Première migration
Drôles d’oiseaux
Plumes recomposées
Quelques plumes nous ont échappé au cours de notre migration. Juliette les a ramassées pour recomposer un duvet d'un tout autre acabit. Petit poème bonus pour clore notre premier vol. J'ai beaucoup réfléchi Que symbolisait cette valise sinon un désir de départ ? Un long détour peut-être...
Ils sont là, quelque part…
Ils sont là, quelque part… Dans les yeux Près du cœur Sous les cieux Ou ailleurs Ils sont là Triomphants Malheureux Solitaires Amoureux Ils sont là Quelque part… Dans l’infiniment grand L’intimement petit En couleur Ou en gris Ils sont là Battant chaque mesure Ou bien boitant de l’aile En peinture...
Différent
Il a toujours été comme ça, mon drôle d’oiseau. La tête dans les nuages, toujours à papillonner. Manque d’attention, selon ses instituteurs. Mais je sais, moi, qu’il a juste mille scènes qui se jouent dans son esprit. Là où l’on voit un nuage, lui imagine un château fort, la rivière se transforme...
Baignade
Ma pensée se déroule comme la rivière dans laquelle j’ai glissé mes pieds. Elle coule sans arrêt, se précipite ou bien se laisse porter, toujours vers une destination inconnue. Par moments, tout va plus vite, elle est entraînée par elle-même. D’autres fois, c’est la traversée silencieuse de...
Rouge
On a couru le long de la rivière, et l’allée était peuplée de citrouilles. C’était un mois trop tôt. Les pierres glissaient sous nos pieds, elles dégringolaient dans l’eau glacée. On s’est perdus de vue dans le tumulte, mais on savait qu’on se retrouverait, au bord de l’étang. Amont, on saura à...
Le nid
Le soir venu, l'oiseau fait son nid. Il aura pris soin, au préalable, de choisir l'endroit. Il aura inspecté tous les arbres environnants, étudié l'inclinaison, éprouvé la solidité du tronc — il ne faudrait pas se retrouver par terre ! Il aura ensuite rapatrié ses outils et, sagement, presque...
Fuite en avant
C’était un lieu étrangement vide. Il n’y avait que deux vieilles barques de presque trois mètres de long, posées au milieu de la pièce et on devait les regarder avec intérêt pour montrer notre grandeur d’esprit. J’avais payé 15€ l’entrée de ce musée coloré, certes très beau mais un peu trop épuré....
Il y a quelque chose
Il y a quelque chose Il y a quelque chose De plus dans ton regard Quelque chose d'ouvert Quelque chose qui ouvre Il y a quelque chose Qui lave tout ce que Tes yeux peuvent toucher Et que le temps salit Il y a quelque chose Que tu veux m'enseigner Sur nous deux sur nous tous Un long détour...
J’ai rêvé qu’il y avait un demain
On a pris la voiture, quelques affaires, c’est tout. On n’a pas réfléchi. Enfin… On a bien galéré une heure, penchées sur le GPS. Pourquoi voulait-il nous faire passer par des routes aussi improbables ? Tu l’as copieusement insulté. J’en ai rigolé, doucement. Je ne voulais pas te contrarier...
Le club des drôles d’oiseaux
22 octobre 2019 Cher journal, j’ai beaucoup réfléchi. C’est vrai que je n’ai pas d’amis, mais au collège on est plusieurs à ne pas en avoir. Alors je me suis demandé pourquoi tous ceux qui n’ont pas d’amis ne deviendraient pas amis. J’ai décidé de former un club, le club des drôles d’oiseaux....
La valise
Une bonne minute leur fut nécessaire pour convenir que cette araignée-là n’était pas d’une taille modeste. Quant aux mesures qui devaient être prises à son encontre, leurs avis divergeaient. Elle désirait que la passagère clandestine fût écrasée séance tenante, frémissant de la voir tapie au fond...
Lecture musicale : drôles d’oiseaux
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Vols planés
Compter les heures
Je suis passée devant par hasard. Et je me suis arrêtée. Je me retrouve plantée sur le trottoir, à fixer le bâtiment. J’essaie peut-être de ressentir quelque chose.
En suspens
« J’ai voulu t’empêcher de dire quelque chose d’irréversible. Je crois que par-dessus tout je ne voulais pas l’entendre. Pour ne pas avoir à te répondre, à te faire remarquer que ton propos était déplacé, que je ne pouvais pas l’accepter. Pour que ne résonne pas dans la pièce une idée que, d’emblée, je refusais. »
Le Destronaute
Tremblez
Le voilà
L’ultime destructeur
Celui qui a pété la langue
Aux origines de la révolution
« Peut-être qu’un jour, on osera mettre un mot sur ce qu’il s’est passé.
On y repensera, on se demandera comment ça a émergé, oui, comment déjà ? Il y avait Kériel, bien sûr, mais avant ? Et alors, on se souviendra d’elle. La petite bête. »
Chute libre
« Un mangeur de mondes a repéré notre planète. Le grand personnage se croit si puissant qu’il peut la gober, qu’il peut l’avaler en entier. Il la toise au creux de sa main, la fait rouler dans sa paume en retroussant ses babines dans un bruit de succion. »
Pour que l’aube advienne
« Nous pensions encore la veille être en zone libre. Mais c’était un matin de novembre 1942, et les allemands venaient d’entrer à Saint-Cirq-Lapopie. »
Tout Se Mélange
Pour le dernier Vol plané avant la pause estivale, Séraphin propose un morceau à écouter, les yeux clos, un soir d’orage ou un après-midi caniculaire. « Que faisais-tu hier, quand la terre est tombée ? »
Classé sans suite
« Ça peut s’effacer comme ça, ces moments ? De la poudre d’étoiles au ciel et son bras nu… De la poudre aux yeux ? »
Ça recommence.
« Le piège à ours s’est refermé sur toi d’un coup, clac. Tu ne savais même pas que tu étais perdue dans la forêt ; tu ne savais même pas que tu devais faire attention. »
Guerres
Trois poèmes pour confronter notre humanité et les actes de guerre qui se perpétuent malgré tout.
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